Fin de vie

XXmin

« Se dire qu'après la mort le lien peut être préservé nous apaise »

Pour Christophe Fauré, la continuité de la conscience après la mort est désormais une idée crédible, valide du point de vue scientifique comme il s'emploie à le prouver dans son livre « Cette vie… et au-delà » (Albin Michel). Après s'être plongé dans de nombreux récits d'expériences, ce psychiatre et psychothérapeute, spécialiste de l’accompagnement du deuil et des ruptures de vie, en témoigne : s'appuyer sur cette connaissance estompe la peur de la mort.

Des preuves scientifiques

Comment s'est imposée l'idée d'écrire un livre sur la validité scientifique de phénomènes parfois qualifiés d'occultes ?

Christophe Fauré : J'avais déjà un intérêt pour ces expériences, notamment après avoir lu « La vie après la vie » de Raymond Moody. Elles se sont aussi invitées dans ma pratique. Des patients rapportaient des histoires de vécu subjectif de contact avec un défunt (VSCD) en disant par exemple : « Je suis très cartésienne, mais la lampe s'allume toute seule depuis le décès de ma mère. »
J'ai également travaillé en unités de soins palliatifs où des malades, mais aussi des soignants, racontaient des expériences de fin de vie (EFV) durant lesquelles les personnes semblaient aller à la rencontre de « quelqu'un ». Ou des expériences de mort imminente (EMI) où elles se voient hors de leur corps, attirées par un tunnel, accueillies par un être de lumière, ou revoient instantanément toute leur vie.
Je me suis alors plongé dans la littérature anglo-saxonne, la plus développée sur ces sujets. Aux États-Unis, des chercheurs universitaires étudient tous ces phénomènes depuis des décennies et publient leurs résultats dans des revues internationales de renommée telles que « The Lancet ». Et cela est peu connu du public français.

Ces études sont basées sur des témoignages…

Christophe Fauré : Oui, sur des centaines de milliers de récits recueillis selon une méthode de recherche appelée la phénoménologie. Les scientifiques mènent une réflexion sur ces expériences et sur ce qu'elles sous-tendent, à savoir la remise en question du postulat actuel, matérialiste, qui prétend que c'est le cerveau qui génère la conscience. Ce qui est aberrant, c'est que ce postulat considéré comme une référence scientifique n'est pas démontré !
Les chercheurs qui ont étudié les EMI, les VSCD et les EFV, parlent, eux, d'une conscience non localisée. Et ce ne sont pas des rigolos : ils engagent leur nom, leur carrière universitaire ! Dans cette approche postmatérialiste, on ne perçoit pas ces phénomènes comme occultes. Ils sont normaux et prévisibles. Dans mon livre, je ne tente pas de convaincre. Je fournis les données.

Il ne s'agit pas d'y croire ou pas : il y a des faits validés sur le plan scientifique.

Et au-delà, mon intention est aussi, en tant que psychiatre, d'apporter un autre éclairage sur la fin de vie, la mort et le deuil que celle, réductionniste, qui dit que lorsque la personne meurt, sa conscience meurt aussi. Et que si vous avez des visions, c'est que vous êtes fou.

Quelles sont les résistances psychologiques des personnes incrédules ?

Christophe Fauré : Les doutes proviennent d'une société qui affirme que c'est forcément une hallucination produite par quelque chose dans le cerveau. Certes, il existe un lien de corrélation entre l'activité du cerveau et la conscience, mais pas une causalité. J'insiste sur ce point car cela conduit certaines personnes ayant vécu des expériences parfois très fortes à les renier afin de se conformer à cette vision matérialiste que notre éducation a implantée dans nos esprits.
Mais dans d’autres cultures, la continuité de la conscience après la mort est une évidence. D’ailleurs, toutes les religions se réfèrent à la notion d’âme. L’incrédulité procède d’une imprégnation culturelle. Or, le simple fait d’étudier ou de lire ces nombreux récits ne peut pas laisser indifférent et fait naître l’intime conviction que ces manifestations ne relèvent pas du délire.

Un effet apaisant après le décès

Avoir en tête qu’il existe une vie après la mort permet-il de se préparer au décès d’un proche ?

Christophe Fauré : Non, je ne pense pas. On ne se prépare jamais au décès d’une personne qu’on aime. Mais ça permet d’aborder l’accompagnement de fin de vie et le deuil avec un regard plus large. Se dire qu’après sa mort mon lien avec elle peut être préservé est très apaisant. Pour autant, ce proche n’existera plus dans ce monde et cela n’apaisera en aucune façon le manque. Je ne veux pas vendre du rêve.

La connaissance de ces expériences ne remet pas en question le processus du deuil.

Certaines personnes qui ont fait un VSCD avec un proche décédé ne s'autorisent pas à vivre leur peine. Elles culpabilisent. Or, sur le plan psychologique, vous vivrez peut-être différemment votre deuil, mais vous ressentirez du chagrin et il vous faudra apprendre à vivre avec sa douloureuse absence.

Autrement dit, on ressent à la fois un sentiment d'abandon et un lien.

Christophe Fauré : Exactement. Le sentiment d'abandon peut être apaisé par l'idée qu'il y a une continuité du lien. Et c'est pourquoi les gens ont besoin d'avoir accès à des livres et des témoignages sur ce sujet de façon répétée, pour qu'ils puissent vraiment s'en imprégner et comprendre que, oui, il y a objectivement une rupture dans le monde, mais à un niveau plus subtil, plus profond, on se retrouve après.

Cela peut-il aider un proche à partir en paix ?

Christophe Fauré : Je ne pense pas qu'être sensibilisé à ces phénomènes ait une incidence sur l'accompagnement vers la mort. Durant cette période, on est inquiet au quotidien, on veille aux besoins de la personne que l’on aime, on souhaite qu'elle ne souffre pas, n'ait pas de difficultés à respirer, etc. Ce n'est pas parce qu'on pense qu'il y a la continuité du lien qu'on va se dire plus de choses, qu'on va être plus proche, qu'il y aura plus d'amour. D'après mon expérience, on reste dans l'ici et maintenant. C'est surtout apaisant après le décès. 

Ne pas sombrer dans le fantastique

Quel effet l’attitude du soignant vis-à-vis de ces manifestations peut-il avoir sur les patients et sur leurs proches ?

Christophe Fauré : Des études ont montré que lorsqu'ils avaient une attitude ouverte sur ces sujets, cela rassurait les patients ayant vécu des expériences de fin de vie. Les soignants, médecins, infirmières peuvent leur dire : « Ne vous inquiétez pas, ça arrive. Ce sont des choses qui sont décrites. Il y a des études. On peut vous passer des livres. » Ça libère la parole. C'est aussi rassurant pour les proches qui auraient l'impression que leur mère ou leur père, par exemple, délire.

Lors d'une conférence de la SFAP (Société française d'accompagnement en soins palliatifs), beaucoup de soignants ont fait part de leur soif de connaissances sur ces événements particuliers afin d'aider les personnes à cheminer plus harmonieusement.

Vivre ces expériences semble aussi transformer plus profondément la personne.

Christophe Fauré : Attention au mot transformation. Cela peut changer leur vision de l'existence, mais ils ne sont pas radicalement transformés. Une autre perspective se dessine. Par exemple, les expériences de mort imminente peuvent réduire considérablement, voire faire disparaître la peur de la mort. Aux États-Unis, certaines personnes âgées en Ehpad ayant suivi une conférence sur les événements de fin de vie se sont senties apaisées d'avoir reçu ces informations.
Les vécus subjectifs de contact avec un défunt peuvent aussi avoir un impact positif sur le vécu du deuil. Tout cela nourrit la réflexion et élargit la pensée, mais, encore une fois, n'empêche pas de vivre douloureusement la perte d'un être cher. On n'est pas dans le fantastique.

Précisément, la fascination pour l'extraordinaire, le surnaturel, peut-il conduire à aller trop loin et déstabiliser le psychisme ?

Christophe Fauré : Oui, le risque pour ceux qui font de cette continuité du lien un objet de fascination est de désinvestir complètement leur vie. Ils ne lisent que des ouvrages sur ce sujet, ne pensent qu'à ça, n'assistent qu'à des conférences sur ces thèmes, vont voir des médiums et, au bout du compte, oublient qu'ils ont à vivre leur vie. Bien évidemment, ces phénomènes ouvrent à un questionnement spirituel qui est salutaire, mais dans une certaine mesure.

De la compréhension et de l'amour

Quels conseils donner à des personnes endeuillées qui évitent de parler de telles expériences à leur psy de peur qu'il les prenne pour des fous ?

Christophe Fauré : Il faut en parler car, avec un thérapeute ouvert à ces questions-là, un dialogue fécond peut commencer sur le sens que cela a pour soi et sur l'incidence que cela peut avoir sur le vécu du deuil.
Mais si l'on comprend que son psy n'est pas réceptif, qu'il se cantonne à une réponse du type « c'est un mécanisme de protection, c'est dans votre imagination », on n'insiste pas et on change de psy. En revanche, s'il paraît hésitant, on peut tester sa sensibilité à ces phénomènes en l'invitant à se renseigner par lui-même. J'ai indiqué toutes les ressources disponibles dans mon livre.

Existe-t-il des structures pour accueillir ces récits ?

Christophe Fauré : J'ai créé une adresse Internet1 pour que les gens déposent leurs témoignages. J'en ai déjà recueilli plus de mille que j'analyse en vue de mon prochain livre à paraître en 2025 : « Les Ultimes Enseignements de l'au-delà – Trouver enfin le sens de sa vie » (Albin Michel). Les personnes qui sont allées de l'autre côté et en sont revenues semblent savoir faire le tri entre ce qui compte et ce qui ne compte pas dans la vie. Ce qui émerge, c'est que l'amour est une dimension primordiale dans une existence humaine et qu'une vie accomplie est celle qui s'articule autour de cette notion. Il est important de faire de ces expériences une source de compréhension et d'intelligence pour aborder les épreuves de vie avec sagesse et profondeur.

1 cette.vie.et.au.dela@gmail.com à retrouver sur le site du Dr Fauré : https://christophefaure.com