« Il faut maintenir la qualité de vie jusqu’au bout »

Le Fonds de soutien palliatif qu’elle dirige aide les professionnels à continuer d’insuffler la vie auprès des malades et de leurs proches.

Publié en
September
2021
Mis à jour en
June
2023
Par
inmemori
Récit
temps de lecture :
14 min
Sommaire
« Il faut maintenir la qualité de vie jusqu’au bout »
Laetitia Dosne, spécialiste en soins palliatifs
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Laetitia Dosne, fondatrice et directrice générale du Fonds pour les soins palliatifs nous livre les motivations de son engagement à l’égard des personnes gravement malades et de leurs proches pour leur assurer la meilleure qualité de vie possible.

Un parcours au service de l’humain

Laetitia, vous avez été formée au Celsa, avez travaillé dans plusieurs grands groupes de cosmétiques puis opéré un changement de vie radical. Pourquoi avez-vous choisi de vous investir pleinement dans les soins palliatifs ?

J’ai vécu un deuil qui m’a profondément marquée. Au même moment, j’ai retrouvé une amie qui était accompagnante bénévole en soins palliatifs. Elle m’a livré son témoignage criant de vérité. Ses mots sont allés droits dans mon cœur. J’ai décidé alors de me former pour m'engager comme accompagnant bénévole et de quitter mon métier de directrice marketing. Grâce à l’ASP Fondatrice, j’ai pu m’investir sur le terrain d’abord en explorant toute la richesse extraordinaire du bénévolat puis dans l’encadrement opérationnel d'équipes, ce qui m’a notamment permis de découvrir le travail remarquable des soignants en soins palliatifs. J’ai aussi eu la chance de rencontrer Jean Leonetti, d'organiser quelques événements avec lui afin de promouvoir les soins palliatifs autrement.

Parce que les soins palliatifs étaient méconnus et trop rattachés dans l’esprit collectif aux tous derniers jours de la vie, j’ai créé le Fonds pour les soins palliatifs (FPSP) en janvier 2011. J’avais envie de fonder une structure qui transmette la vie à travers des projets très concrets pour les personnes malades et leurs proches autour de l’accompagnement et de la qualité de vie.

Qu’avez-vous retenu de vos contacts avec les patients et leurs proches ?

J’allais 4 heures par semaine à l’hôpital au chevet de patients gravement malades que j’assistais par la présence et l’écoute, même silencieuses.

Je me souviens de Jeanne, 75 ans, que j’ai accompagnée plusieurs mois. Plus les semaines avançaient, moins elle parlait. Nos échanges étaient à la fois simples, légers et passaient par la caresse des mains. Le jour où on s’est dit adieu, elle s'accrochait à mon regard. On est là pour faire entrer la société dans la chambre, apporter des sourires, parfois des rires et du souffle pour permettre à la personne de s'apaiser. En résumé, on reçoit plus que l’on ne donne.

Ce qui est beau, c’est également d’assister les familles avec une empathie complice, sans jugement, tout en acceptant d’être le réceptacle de secrets parfois lourds. Tous les 15 jours, un groupe de parole obligatoire avec un psychologue nous permettait de "poser nos valises", de confier nos questionnements, nos douleurs, parfois de pleurer ensemble. C’était très fort et juste indispensable.

Pour travailler en soins palliatifs, il faut de la sensibilité, une générosité de cœur, un appétit de la vie surtout.

Le FPSP et inmemori ont décidé de s’engager conjointement en 2018 à travers un partenariat pour changer le regard sur la fin de la vie. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi selon vous la mission d'InMemori est essentielle pour les familles en deuil ?

inmemori est un service précurseur, audacieux et acteur de l’intérêt commun. J’ai été séduite par son concept innovant, celui de mettre le digital au service d’un sujet sociétal majeur, l'accompagnement des personnes endeuillées et l'organisation des obsèques.  

Mon sentiment est que le FPSP et inmemori agissent en complémentarité en proposant de partager des moments qui maintiennent la vie et le lien.

La médecine palliative et ses enjeux

Vous avez toujours soutenu le développement de la médecine palliative. Pourriez-vous nous en donner votre définition ?

Il s’agit d’une approche globale et pluridisciplinaire avec des soins complets pour soulager la douleur physique et apaiser les souffrances psychologiques et spirituelles de la personne malade. La médecine palliative est humaine, riche et complète au service de l’enfant et de l’adulte atteints d’une maladie grave, évolutive ou terminale.

Ma vision est que la médecine palliative doit continuer d'être à la fois scientifique, humaine, "progressiste" : axée sur la qualité de vie. La personne malade est au cœur du processus d’accompagnement et de soin, et non pas la technique.

Où en sommes-nous en France aujourd'hui ? Nous avons lu sur votre site que l'une des missions du Fonds était de contribuer à réduire les inégalités d’accès aux soins palliatifs en France.

J'observe une progression dans la connaissance des soins palliatifs en France. On en parle davantage dans les médias ; l’expertise est reconnue et appréciée de ceux qui ont eu la chance d’en faire bénéficier leurs proches malades. Cependant, 70% des personnes qui devraient y avoir accès n’en bénéficient toujours pas. Le sujet reste encore difficile à aborder ; personne n’a envie de parler de sa finitude.

Je suis convaincue néanmoins que la crise sanitaire a révélé la nécessité de maintenir la qualité de vie jusqu’au bout, celle d'améliorer davantage la prise en charge des personnes malades et de leurs familles et bien entendu de soutenir nos soignants.

Pourquoi développer la médecine palliative ? Quels bénéfices y a-t-il à offrir des soins palliatifs à d’autres moments qu’à la fin de vie ?

Notre enjeu des 10 prochaines années est de favoriser le développement des soins palliatifs dans les Ehpads et le maintien à domicile des personnes gravement malades ou en fin de vie, toujours au travers de projets concrets.

Les soins palliatifs répondent de manière complète à tous les soins dont une personne malade devrait bénéficier, parfois même lorsqu’elle est atteinte d’une maladie dont elle peut guérir.

Par exemple, une femme atteinte d’un cancer du sein et qui souffre car ses douleurs sont trop fortes, peut, en lien avec son oncologue, bénéficier de soins palliatifs. Une équipe de soins palliatifs pourra se déplacer et poser un diagnostic, donner des conseils et s'efforcer de lui apporter un mieux bien-être.

L’action du FPSP pour développer les soins palliatifs

L’une des actions du FPSP est de soutenir des projets innovants en soins palliatifs. Pourriez-vous nous parler de celui dont vous êtes le plus fière ?

Le FPSP est un fonds de dotation qui soutient en compétences et financièrement des travaux de recherche, des outils d'information, des actions autour des approches complémentaires telles que la musicothérapie, la socio-esthétique, la biographie hospitalière et enfin des projets d’inclusion et de solidarité...  Ces projets permettent de maintenir la personne malade (enfant ou adulte) au mieux dans sa vie. Le FPSP a déjà soutenu 84 projets en 9 ans.

Le documentaire Et les Mistrals gagnants avec Anne-Dauphine Julliand est à mes yeux un projet emblématique et représentatif de notre action. Donner la parole tout au long du film aux enfants malades nous a permis de montrer de façon très douce et de manière indirecte ce que représente notamment l'accompagnement en soins palliatifs pédiatriques. Outre l’histoire d’une folle aventure cinématographique partagée avec la réalisatrice, le producteur et le distributeur, ma grande fierté est que ce film long métrage documentaire ait fait un record d’entrées sur l’année 2016.

L’action du FPSP et celle d’inmemori convergent dès lors qu’il s’agit d’adoucir la souffrance des familles qui perdent un proche. Pourquoi avez-vous souhaité recommander le service InMemori aux équipes de soins palliatifs ?

InMemori et le FPSP avons en commun d’être des plateformes à dimension fédératrice qui offrent des services permettant de gérer des situations difficiles de la vie. Nous avons un ADN d’entrepreneuriat-social. InMemori est répertorié dans nos Guides régionaux des soins palliatifs à destination des professionnels de santé.

Pouvez-vous nous expliquer comment le FPSP fait le lien au quotidien entre les porteurs de projets, les structures de soins palliatifs, les partenaires financiers et le grand public ?

Nous sommes un incubateur de projets qui foisonne en permanence au plus près des acteurs de terrain que nous connaissons bien. J’ai la ferme conviction que c’est en réalisant des actions de terrain que l’on parviendra à faire bouger les lignes en matière de soins palliatifs. J’essaie humblement d’insuffler une vision entrepreneuriale et intergénérationnelle.

Avec mon équipe et l’appui essentiel du comité scientifique ainsi que des administrateurs, nous nous efforçons de dompter le sujet, de l’humaniser, de surprendre et d’interpeller les protagonistes avec lesquels nous travaillons sur ce sujet sociétal majeur.

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