Alice est psychologue clinicienne en Ehpad, au Village Terre-Nègre à Bordeaux. Elle parle tout de suite « d’habitants », car les personnes viennent s’installer dans leur dernière maison pour y habiter pleinement, y vivre. Alice accompagne ce moment parfois douloureux : l’entrée en maison de retraite. Une transition avec la vie d’avant qui implique que chacun puisse parler de la finitude : celle de son proche ou la sienne. Après quelques semaines ou plusieurs années, Alice accompagne la fin de vie, la sortie.
Après quatorze années de suivi, Alice en est convaincue et c’est une habitante de l’Ehpad qui lui a dit : « la mort, ça ne fait pas mourir d’en parler ». Bien sûr, il faut s’adapter aux moyens d’expression de chacun. Certains peuvent exprimer clairement leur colère, leur sérénité, leur peur, leur conviction ou leur désir. D’autres personnes sont atteintes de troubles cognitifs et s’expriment surtout par leur comportement. Alice a appris à écouter le sensoriel autant que les paroles et n’impose jamais rien. Quelque chose de plus doux s’installe quand on arrive à s’exprimer : la réticence laisse place au familier, aux petits rituels qui rassurent. Les proches aussi, trouvent d’autres façons d’être en lien avec leurs parents.
« On est comme dans un temps suspendu. L’espace-temps n’existe plus vraiment. Une minute peut sembler une heure, le présent se passe au passé, le passé au présent et une simple anecdote redonne vingt ans, comme au pays des merveilles. »