« Avec nos morts, le lien ne se coupe jamais »

Que devient notre conscience lorsque nous mourrons ? Dans « La Mort n’existe pas », Stéphane Allix livre une enquête fouillée sur les dernières connaissances scientifiques autour de la mort et du lien que nous entretenons avec nos défunts.

Publié en
October
2023
Mis à jour en
December
2023
Par
Ariane Bois
Expert
temps de lecture :
5 min
Sommaire
« Avec nos morts, le lien ne se coupe jamais »
Stéphane Allix, journaliste et auteur
Crédit photo : 
© Melania Avanzato

Depuis presque vingt ans, cet ancien reporter de guerre, qui a perdu son frère sous ses yeux en Afghanistan, cherche à comprendre ce qui se passe dans l’au-delà. Devenu journaliste d’investigation, il livre dans « La Mort n’existe pas » (HarperCollins) le fruit de quinze années d’enquêtes sur l’après-vie et dévoile aussi une quête spirituelle au ton très personnel.

L'enveloppe physique meurt mais la conscience perdure

Dans votre livre « La Mort n’existe pas », vous écrivez : « La mort est absolument sans danger ». Pourquoi une telle affirmation ?

Stéphane Allix : Cette citation de Ram Dass, professeur de psychologie à Harvard qui a découvert l’hindouisme en Inde, résume mon travail. Il ne s’agit pas ici d’une métaphore, d’un exercice de style : la mort est sans danger, nous passons d’un état à un autre... Dire que la mort est sans danger ne veut pas dire qu’elle est exempte de souffrances, physiques ou morales, souffrances auxquelles les soins palliatifs apportent une formidable réponse. Cela veut dire qu’il existe une bascule, un moment de passage. On change de réalité et notre conscience évolue, perdure.

La mort physique existe certes – je ne reverrai plus jamais mon père ou mon frère physiquement–, mais il faut se poser la question : qu’est-ce qui meurt quand on meurt ? Uniquement notre enveloppe corporelle, notre corps en tant que véhicule, pas notre âme, pas l’essence de qui nous sommes.

Peut-on le vérifier scientifiquement ?

Stéphane Allix : Pendant longtemps, j’ai cherché la preuve que mon frère était encore en vie quelque part. Puis j’ai découvert que, dans le domaine scientifique, la question de la preuve signifiait tout autre chose. En neurosciences, en biologie, on raisonne seulement en éléments de preuves. On propose une hypothèse, des expériences, mais il n’existe pas de preuves définitives. Aujourd’hui, on possède assez d’éléments pour affirmer que la conscience survit à la mort du corps. Beaucoup de chercheurs dans le monde le pensent, d’autres non et c’est bien normal : la communauté scientifique est disparate, animée de croyances religieuses ou non, humaine donc faillible. Rappelez-vous la crise du Covid et la divergence d’avis sur la question : sur la conscience après la mort, nous assistons au même débat entre scientifiques.

Une communication possible avec nos défunts

Avez-vous pu communiquer avec vos défunts ?

Stéphane Allix : Oui et non ! Non, car je ne suis pas moi-même médium. En revanche, j’en ai testé beaucoup, en les laissant parler, sans rien dire, pour les mettre à l’épreuve, analyser leurs méthodes. Certains restaient vagues, d’autres se montraient au contraire très précis, avec beaucoup de détails. La seule explication, c’est que certains obtiennent des informations extra-sensorielles et communiquent vraiment avec les défunts.
Une mise en garde cependant :le deuil est un processus de guérison d’une blessure émotionnelle. Savoir que les morts existent quelque part, qu’on peut entrer en relation avec eux par le biais des médiums, n’empêche pas de s’occuper de cette blessure émotionnelle et psychique. Il faut prendre soin de soi, de son désarroi face à un départ douloureux, et se faire accompagner si c’est trop dur.

Peut-on communiquer soi-même avec nos morts ?

Stéphane Allix : Il n’y a pas de dialogue proprement dit avec nos morts si l’on n’est pas médium soi-même, mais chacun peut ressentir des sensations, des impressions : c’est fragile et subtil. C’est un grand travail sur soi de les accepter, un travail difficile aussi car la société ne nous a pas éduqués à être en relation avec nos intuitions, notre sensibilité... Quand on est submergé de tristesse, on se retrouve coupé de ses sensations, de ses mondes intérieurs.

La souffrance du deuil est aussi souvent vue comme un sentiment de fidélité envers ceux qui sont partis, mais c’est faux : nos défunts veulent que l’on aille mieux, que l’on s’apaise à leur sujet.

La méditation, cette pause essentielle dans ma journée, me permet parfois de ressentir la présence de mes disparus. En calmant mon cerveau, je crée un espace de dialogue possible avec eux. Le lien avec les êtres que l’on a aimés n’est jamais rompu.

On parle beaucoup aussi de la révolution psychédélique, des états de conscience modifiés pour communiquer avec l’au-delà, qu’en pensez-vous ?

Stéphane Allix : Depuis dix ans, les recherches ont en effet repris à ce sujet. Les psychédéliques ont une action intense et violente pour mettre au repos une partie de notre cerveau et arriver à un état de conscience modifié. Le LSD, l’ayahuasca ont représenté une étape pour moi, mais il faut pratiquer dans un cadre thérapeutique car cela peut être déstabilisant, dangereux et reste illégal en France. 

Qui sont donc ces fantômes à l’hôpital dont vous parlez dans votre livre ?

Stéphane Allix : Le personnel soignant, surtout en soins palliatifs, raconte fréquemment que les patients parlent de défunts qui viennent les chercher. Les psychiatres ne confondent pas ces faits avec des hallucinations, car ces malades sont calmes, apaisés et non pas perturbés par des phénomènes hallucinatoires effrayants. En tant que journaliste scientifique, si des infirmiers, des médecins me racontent dix fois, cent fois, mille fois ces histoires extraordinaires, cela m’interroge ! Or, personne n’en parle, ces phénomènes réels et authentiques restent tabous.

La mort comme un endormissement

Les frontières entre la vie et la mort sont-elles poreuses ?

Stéphane Allix : Pour moi, la mort ressemble à un endormissement : vous êtes conscient, lucide et, en vous endormant, vous lâchez prise. On perd connaissance et on reprend conscience immédiatement dans une autre réalité, comme dans un rêve. Il y a continuité et on reste toujours vivant. Les milliers de personnes dans le monde qui vivent une EMI — expérience de mort imminente — décrivent tous le même scénario. Vous voyez, la mort n’existe pas !

Qu’est-ce qui a changé pour vous face à la mort des autres ?

Stéphane Allix : Par mon enquête, je voulais savoir ce qu’est la mort de manière objective, sans chercher à me rassurer. J’ai acquis la double conviction, intellectuelle mais aussi sensorielle, que la conscience lui survit. La mort physique reste un moment de séparation irrémédiable, mais au moment du dernier souffle de mon père, j’ai ressenti aussi l’immense émotion d’un au revoir.

A la fin de votre livre, vous évoquez une expérience personnelle bouleversante. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Stéphane Allix : Nul besoin de partir dans un ashram en Inde ou en Amazonie pour ressentir sa part spirituelle. C’est chez moi, pendant un voyage intérieur, que j’ai pu sentir la présence de mon père, de mon frère. Nous baignions tous les trois dans un liquide apaisant, en totale osmose, sous la forme d’étranges bulles oblongues et bleu marine, un moment de plénitude hors de notre système de pensée. On met des barrières conscientes et inconscientes avec nos morts. Or l’espace et le temps n’existent plus de l’autre côté. Ils ne vivent pas dans un paradis éloigné, ils sont en nous, à côté de nous. Avec nos morts, le lien ne se coupe jamais. Notre amour pour eux est un cordon ombilical, un pont qui nous relie. Nous n’avons besoin de rien d’autre que cet amour pour ouvrir la porte.

Couverture de "La Mort n'attend pas" (HarperCollins, 2023), nouveau livre de Stéphane Allix après "Le Test"

Stéphane Allix est l’auteur de « La Mort n’existe pas » (HarperCollins, 2023). Parmi ses nombreux ouvrages : « Lorsque j’étais quelqu’un d’autre », « Après, quand l’au-delà nous fait signe », « Le Test : une enquête inouïe, la preuve de l’après-vie » (Albin Michel).

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