Deuil

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Les étapes du deuil

Combien de temps, combien d’étapes pour faire son deuil ?

Le deuil se rattache à la mort, à la perte, et de façon plus générale, au changement. Quand on vit une perte non désirée, c’est un choc parfois très violent. L'être aimé a disparu, et la vie ne sera plus jamais comme avant. Paradoxalement, continuer à vivre avec cette nouvelle réalité semble parfois irréaliste. Face au deuil, nous sommes tous égaux, et pourtant tous différents dans la façon de vivre cette perte. Voici la définition du deuil que donne Margot Phaneuf, infirmière docteure spécialiste de la relation soignant-soigné :

« Le deuil est une réaction affective à un événement majeur de la vie chez la personne qui vit la perte d'un être cher. Le processus d’oubli, de retour à la normale, s’appelle «le travail du deuil». Il provoque diverses réactions physiques, psychologiques et sociales, et sa durée est variable. »

La psychiatre Elisabeth Kübler-Ross est l’experte de référence quand on parle de processus de deuil. Elle a, entre autres, théorisé ce processus sous forme d’étapes, qu’elle expose avec son co-auteur David Kessler dans le livre  “Sur le chagrin et le deuil”. Elisabeth Kübler-Ross décrit le deuil en 5 étapes  : déni, colère, marchandage, dépression et acceptation. La courbe du deuil ci-dessous en est une représentation schématique.

Courbe du deuil - Elisabeth Kübler-Ross

Cette représentation peut sembler linéaire, mais il faut comprendre que dans la réalité, la personne peut osciller d'une étape à l'autre alors que certaines étapes peuvent se chevaucher ou se prolonger.

Christophe Fauré, psychiatre et psychothérapeute spécialisé dans l'accompagnement des ruptures de vie, parle quant à lui de temporalité du deuil : après la sidération des premiers jours s’ensuivent plusieurs mois de “recherche” de la personne perdue, pour que la relation perdure. Puis une phase de “déstructuration” 8 à 10 mois après, où la douleur devient plus aiguë, ce qui peut donner l'impression à la personne endeuillée de régresser. Pour enfin terminer par une phase d’intégration et de pacification.

Connaître ces étapes s’avère utile, pour que les personnes touchées par le deuil - ou leurs proches - prennent conscience de ce vécu très particulier et faciliter l’expression des  émotions qu’elles traversent. Toutefois, chaque personne vivra le deuil à sa façon, certaines étapes peuvent être plus ou moins longues, ou arriver dans un ordre différent. L’important est de mettre des mots sur ce que l’on vit, et de l’exprimer, d’une façon ou d’une autre.

Le déni : le refus de la mort comme mécanisme de défense

Un profond sentiment d’injustice assaille le proche endeuillé dans les premiers temps du décès, et avec lui un état de choc au moment de l’annonce. Ses repères sont bouleversés, et la séparation d’avec l’être cher lui semble incroyable. C’est tout à fait normal : pendant cette première phase des étapes du deuil se met en place un mécanisme de défense. Il s’agit d’une protection qui donne à la personne le temps de réaliser ce qui se passe, en rendant la situation plus tolérable, pendant ce laps de temps qui généralement reste bref. La souffrance du deuil se trouve alors anesthésiée.

« La personne peut sembler dépassée, silencieuse et même ahurie. Elle exprime aussi sa stupéfaction en disant par exemple : « Ce n'est pas possible !», «Les médecins se sont trompés, il y a erreur de diagnostic.», « Cela ne peut pas nous arriver à nous ! », « Qu'est-ce que nous avons fait pour que cela nous arrive ? ».

Margot Phaneuf

À ce moment, le rituel des obsèques permet d’intégrer la perte, de croire au départ de la personne aimée, de conscientiser cette mort. Les préparatifs de la cérémonie sont autant d’actes à poser qui font voir la réalité en face, tout en occupant assez pour ne pas laisser le temps d’y penser. Quelqu’un d’extérieur au deuil pourrait être tenté à ce moment, de vouloir aller contre ce déni et déclencher bien malgré lui le mécanisme de défense de la personne en souffrance.

Selon Margot Phaneuf, pionnière et référence en soins infirmiers, on peut aider une personne touchée par le deuil au stade du déni simplement en l’écoutant, “sans confronter l'irréalisme ou l'illogisme de ses propos et seulement exprimer sa compréhension pour le bouleversement que lui cause cette nouvelle traumatisante”. Ce n'est que progressivement et dans un second temps qu'il sera possible de “l'amener à plus de réalisme afin qu'elle puisse faire face aux responsabilités inhérentes à la situation”.

Colère et marchandage : une tentative de retrouver le défunt

Ce moment du deuil est une tentative de faire le lien entre le passé et le futur.

« On cherche à retrouver l’être aimé, à faire perdurer notre relation avec lui. On fait vivre son souvenir à travers les petites choses du quotidien : porter ses accessoires, son parfum, revoir ses photos, réécouter son annonce de répondeur, lui parler… »

C’est aussi le moment de faire face à la mort, une fois la phase de sidération passée. Avec cette mort non désirée, c’est la colère qui s’exprime le plus souvent en premier. Quelque chose est arrivé qui, selon la personne confrontée au décès, n’aurait pas dû se produire. La colère peut être dirigée contre le proche disparu (qui n’aurait pas dû mourir), contre elle-même (qui aurait dû l’en empêcher), contre d’autres, la vie, ou Dieu si on est croyant.

Et la personne en deuil va chercher à rétablir l’ordre des choses, car il ne lui semble pas “juste” que l’être qu’elle aime disparaisse. C’est à ce moment que la phase de marchandage arrive. Celui ou celle qui vit le deuil cherche à “négocier”, parfois de façon aussi irréaliste que pendant la phase de déni. Sur le plan affectif, elle peut croire encore que quelque chose peut être fait pour rétablir la situation, ou simplement éviter cette souffrance. Encore une fois, l’important pour chacun est de vivre ces étapes en conscience. Ce n’est pas parce que quelqu’un a compris sur le plan logique que la personne qu’il aime a définitivement disparu que son cœur suit le même rythme. C’est en vivant cette souffrance qu’elle pourra la transformer petit à petit en des sentiments plus supportables.

Résignation et résilience : traverser la souffrance et se reconstruire

Après cette première expression des émotions du deuil et l’échec de la négociation avec la souffrance commence une phase de résignation. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une dépression mais d’un “vécu dépressif”, tout à fait normal à ce moment de deuil. Une profonde tristesse prédomine dans cette phase : comme pour une réelle dépression, la personne qui vit le deuil peut éprouver une perte de moral, d’appétit, une fatigue prolongée, une irritabilité accrue, des troubles de la libido ou de la concentration, des idées noires et une perte d’intérêt pour les activités qui lui procuraient habituellement du plaisir. Plus la personne qui vit la perte parvient à écouter et exprimer ses besoins pendant cette phase du deuil, mieux l’acceptation se fera. Et avec elle avec, un premier pas vers la résilience.

« Le deuil est une émotion multitâche. Vous pouvez être, et serez, triste et heureux ; en deuil et capable d'aimer durant la même année, la même semaine, dans le même souffle. Nous devons nous rappeler qu'une personne en deuil va de nouveau rire et sourire. Si elle a de la chance, elle retrouvera même l'amour. Mais oui, absolument, elle va aller de l'avant. Mais cela ne signifie pas qu'elle est passée à autre chose. »

Nora McInerny

L’acception et la résilience ne sont pas des moments où la douleur disparaît, mais où cette douleur s’intègre dans un parcours de vie, comme une cicatrice qui fera partie de soi à tout jamais. La tristesse sera toujours présente, mais un nouvel équilibre devient possible : on peut alors vivre le souvenir de la personne disparue avec sérénité, et se sentir capable de mener une vie plus normale. En somme, la vie de la personne ayant vécu un deuil se restructure, pour “faire avec”. Dans une conférence TED sur le deuil aussi drôle que touchante, Nora McInerny livre les étapes qu’elle a traversées en l’espace de deux mois lorsqu’elle a dû faire le deuil de son enfant, de son père et de son mari. Elle en conclut que la résilience ne signifie pas mettre la douleur derrière soi, mais “avancer” avec.