« Étrange histoire d’amour qui commence avec cette fin en vue. Une fin de vie qu’Antoine compte bien maîtriser jusqu’au bout. » Quand Marina Carrère d’Encausse, médecin-journaliste a rencontré Antoine, il venait d’apprendre être atteint de la maladie de Charcot. Comment accompagner celui qu’on aime ? Comment avancer quand on sait qu’il n’y a pas d’issue ? Peut-on vraiment décider de la fin de ses jours ? À partir de témoignages bouleversants, son documentaire « Fin de vie, pour que tu aies le choix » pose des questions cruciales.
Décider de sa propre mort pour une fin de vie apaisée
Françoise a pu décider. Quand on lui a diagnostiqué un cancer à un stade avancé, elle a fait des centaines de kilomètres pour rejoindre la Belgique. À l’hôpital de la Citadelle à Liège, la consultation du Dr François Damas ne désemplit pas. On vient ici demander l’euthanasie.Pour en bénéficier, il faut se trouver dans une situation médicale sans issue et faire état d’une souffrance physique et psychique intolérable. « Vous vous rendez compte de la chance que j’ai : je meurs en pleine conscience, j’appelle ça une belle mort », confie Françoise qui savoure « un dernier verre au soleil » avec sa fille et son gendre juste avant de s’en aller. Ses derniers mots au médecin ? « Vous m’avez libérée. » Ceux qui optent pour cette injection mortelle - une décision réfléchie des mois durant - disent tous partir en paix. Une cinquantaine de Français se rendent ainsi chaque année en Belgique. Dans l’Hexagone, ils sont nombreux à attendre que la loi change. Seront-ils entendus ?
Un projet de loi sur la fin de vie prochainement discuté au Parlement
L’aide active à mourir pourrait-elle devenir un soin ? Les soignants se divisent sur le sujet, certains estimant que les outils actuels sont suffisants. Depuis 2016, la loi autorise une sédation profonde et continue jusqu’au décès… qui n’arrive pas toujours immédiatement, comme en témoignent Ségolène et Quentin, encore hantés par les douloureux derniers jours de leur mère. « Pourquoi imposer la vie jusqu’au bout dans ces conditions ? N’y-a-t-il pas une forme d’acharnement ? », interroge Marina Carrère d’Encausse qui constate que ses « cheminements personnels évoluent avec la maladie » de son conjoint.
Assister à sa propre cérémonie d’adieu avant de définitivement fermer les yeux
Louis, 93 ans, a pu choisir la date de son départ. Son âge et ses polypathologies en font un « candidat idéal » pour le suicide assisté, autorisé en Suisse. Accompagné par un bénévole de l’association Exit, il devra le jour J boire sans aide une potion létale. Encore faut-il pouvoir ingérer seul le contenu de ce petit gobelet... Au Québec, où l’aide à mourir est légale depuis 2014, on peut désormais louer une salle dans un funérarium, y convier ses proches, assister à sa propre cérémonie d’adieu avant de définitivement fermer les yeux. La loi s’est ouverte aux personnes handicapées depuis 2021 mais certains disent s’être sentis poussés vers cette option alors qu’ils n’avaient rien demandé…
Et c’est là toute la force de ce documentaire : rappeler les différents modèles de l’aide médicale à mourir, les garde-fous et les dérives, et nous amener à nous questionner sur nos propres limites. Marina affirme qu’elle serait capable de beaucoup, quitte à être hors la loi, pour un jour libérer son compagnon de ses souffrances. Antoine s’y oppose. Sa dernière liberté ? Décider du moment où il lâchera la main de celle qu’il aime.