Pour un recueillement respectueux et digne, le corps d’un défunt est pris en charge après sa mort afin de procéder à une toilette mortuaire et des soins de conservation, si nécessaire. Marie, notre experte, thanatopractrice indépendante à Bordeaux, nous explique en quoi consistent ces actes.
Quand une personne décède, la transformation ou thanatomorphose (lente décomposition du corps après la mort) se met en place et un certain nombre de réactions en chaîne ont lieu. La rigidité cadavérique débute deux à quatre heures après le décès et atteint son pic treize heures environ après le décès. Il est suivi du relâchement des muscles du corps, en particulier ceux du visage.
« On observe la lividité cadavérique (des tâches violacées apparaissent sur le corps), le relâchement des muscles du visage alors que les yeux et la bouche restent grand ouverts, ainsi que l’apparition d’une tache verte abdominale (TVA), là où les bactéries se développent en plus grand nombre et le plus rapidement. Cette tache apparaît trente-six heures après le décès et c’est l’un des signes les plus flagrants de la décomposition d’un corps », explique Marie.
« La thanatopraxie (ou thanatopractie) prend soin des morts, poursuit la spécialiste. Ses procédures visent à retarder la décomposition naturelle du corps et à préserver son apparence. Elles permettent aux proches de rendre hommage dans des conditions plus dignes et respectueuses. Si la toilette mortuaire se pratique pour tous les défunts, les soins de conservation ne sont pas obligatoires et sont réalisés à la discrétion des familles et en fonction des conditions du décès. »
Quels sont les soins après la mort ? La toilette mortuaire ou funéraire
Historiquement, la toilette mortuaire ou lavage mortuaire – qui consiste à déshabiller, laver, habiller, coiffer et éventuellement maquiller le défunt pour le rendre le plus présentable possible – se faisait à domicile. « A la création des chambres funéraires dans les années 60, les pompes funèbres se sont réappropriées les défunts et le métier de thanatopracteur est apparu », note Marie, qui précise qu’« en France, la toilette mortuaire n’est pas soumise à une réglementation et peut être faite par un proche, les infirmiers ou le personnel des Ehpad ».
« La toilette mortuaire peut aider à accepter le deuil et permet d’accompagner une dernière fois le défunt dans son intimité. Elle ne demande pas un savoir-faire particulier, assure l’experte. Mais elle s’avère tout de même un peu technique et déstabilisante quand il faut fermer les yeux et la bouche. » Si le thanatopracteur pratique avec maîtrise la ligature des lèvres, les non professionnels utilisent le plus souvent une mentonnière post mortem, ou placent une serviette enroulée sous le menton.
Quels sont les soins après la mort ? Les soins de conservation
Les soins de conservation ne sont pas obligatoires en France, mais ils peuvent être exigés en cas de transport international du corps, selon la législation du pays d’accueil ou de la compagnie aérienne (pour des règles de sécurité et d’hygiène). Ils sont aussi fortement recommandés lorsque l’on souhaite garder le corps à domicile ou en cas de pathologies lourdes ayant entraîné un traitement par chimiothérapie ou radiothérapie. Dans ce cas, le corps comme la peau ont été fragilisés et la dégradation post portem est plus rapide. « Ils aident aussi à mieux conserver le corps lorsque le défunt est décédé d’une pathologie digestive et qu’il a la peau jaune », remarque Marie.
Le thanatopracteur peut se déplacer à domicile. « Cela n’est pas interdit, mais c’est de plus en plus rare depuis le décret de 2017, constate Marie. En zones rurales, il est courant que le thanatopracteur intervienne à domicile, alors qu'en zone urbaine, le corps est amené en laboratoire dans une chambre funéraire puis retransporté au domicile après le soin de conservation. »
« Le décret n°2017-983 du 10 mai 2017 relatif aux conditions d’intervention des thanatopracteurs et à l’information des familles concernant les soins de conservation, pris en application de la loi de modernisation de notre système de santé, prévoit que les familles des défunts soient dûment informées de la nature et de l’objet des soins de conservation par la mise à disposition d’un document écrit officiel », selon le site du service publique.
Très réglementés, ces soins ne peuvent être pratiqués que par des thanatopracteurs, en suivant un protocole spécifique. « On injecte un produit de conservation à base de formol dilué dans de l’eau et dosé en fonction de l’état de la personne et du délai des obsèques pour ralentir le processus de décomposition et rendre le corps le plus naturel possible », explique Marie.
Le praticien incise discrètement le corps du défunt sur un point d’accès au système artériel – la carotide ou une artère fémorale ou brachiale (au niveau du bras) – pour injecter la solution de conservation, puis ponctionne et draine tous les liquides et les gaz du corps.
« Un soin réussi, c’est un soin qui ne se voit pas, un corps retrouvé avec ses défauts, préparé à base de photos, conclut Marie. Travailleurs de l’ombre, nous ne sommes pas souvent en contact avec les proches, mais quand je reçois une demande particulière, je préfère communiquer avec eux pour respecter dans la mesure du possible les dernières volontés. »
Thanatopraxie : ce qui est interdit
La thanatopraxie est soumise à des règles. « Nous n’avons pas le droit d’embaumer (conserver pour l’éternité) les défunts, ni de les éviscérer pendant un soin, ou de porter atteinte à l’intégrité du corps. Nous ne pouvons pas enlever les tatouages, retirer les dents en or », précise Marie, qui rappelle qu’elle travaille « pour préserver la dignité des personnes décédées ».
Ces pratiques ne sont pas autorisées dans certaines religions, comme l’islam, le judaïsme et l’hindouisme.
Thanatopraxie : une pratique en évolution
D’après l’Association française d'information funéraire (AFIF), la composition du « mélange » injecté dans le corps contiendrait des fluides de conservation – formaldéhyde (de 15 à 35 %) – et des fluides d’accompagnement – méthanol, glycol, phénol, éosine/chlore, glycérine, alcool… – toxiques pour les humains qui les manipulent et pour la planète.
« Nous utilisons des produits CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques – néfastes pour la fertilité), confirme Marie. Suite à un moratoire européen, ces produits devront probablement être remplacés à court terme. »
Des substituts sans formol ont été mis sur le marché. Ils s’avèrent plus ou moins efficaces. « Si les délais sont très courts, que le corps a bien été conservé au froid et qu’il est intègre, nous pouvons les utiliser, mais ils sont très volatiles, donc difficiles à stocker. »
Des tables de conservation par le froid existent (certains Ehpad en sont équipés) et permettent, sur un temps très court, de conserver le corps, mais « les résultats sont mitigés, et parfois embarrassants, note Marie. Le corps est congelé par le dos, donc, parfois, il reste collé à la table. Les cellules réfrigérées (ou frigos) permettent, elles, de garder le corps et de le conserver tout entier au froid sans altérations. »
« Il existe des alternatives présentées comme une solution de substitution aux soins de thanatopraxie, comme le Biosac 200 », précise Marie, mais elle émet un doute sur son efficacité sur le moyen terme et avec des corps abimés.
« Les soins de conservation ne sont pas obligatoires et restent encore toxiques pour l’environnement, conclut Marie. Comme tout métier, la thanatopraxie est amenée à évoluer. »