Fin de vie

XXmin

« Une fin de vie apaisée ne peut nier la mort »

Sur son fil twitter, Axel Kahn écrivait le 20 juin 2021 "Apprendre à vivre à proximité de la mort est un superbe défi. Je le relève". Dans une société où la mort est mise en marge, le cheminement de la fin de vie de ce scientifique humaniste décédé le 6 juillet 2021, nous interpelle.

Son intervention en mai sur France Inter avait ému des milliers de Français.

La mort n’est rien dans mon scénario. Vivant, elle me perturberait si je lui accordais de mon temps, alors volé à la vie ! Je ne lui ferai jamais ce cadeau. Mort, elle n’existera plus puisque j’aurais cessé de vivre !

Les semaines qui précèdent sa mort, il tient au jour le jour une "Chronique apaisée de la fin d'un itinéraire de vie" dans laquelle il partage "sans aucune intention militante, un simple témoignage vécu". On peut y lire entre autre, un texte saisissant qu'il a publié pour "dire au revoir".

Le bout du chemin

L’attitude face à la mort lorsqu’elle n’est pas d’actualité est très diverse selon les êtres.

La plupart des gens jeunes en exorcise jusqu’à l’idée, ce qui constitue une mesure d’auto protection efficace. Cette insouciance de la mort est à peine entamée par les deuils des anciens, rangés dans une autre catégorie que les vivants.

Certains à l’inverse vivent dans la terreur de la camarde qui jette son ombre sur leur vie entière.

Les métiers de la mort (pompes funèbres, fossoyeurs, notaires…) la banalisent et s’en dissocient en général. De même les soignants et médecins. Je suis dans ce cas, la mort m’est habituelle depuis si longtemps, elle ne m’obsède pas.

Il n’empêche, j’ai depuis longtemps la curiosité de ce que sera mon attitude devant la mort. Il y a ce que l’on désire qu’elle soit et ce qu’elle est. Des croyants sincères qui ne doutent pas du royaume de Dieu sont submergés par la terreur lorsqu’elle s’annonce, Bernanos l’illustre dans le dialogue des carmélites.

Tel n’est pas mon cas. Je vais mourir, bientôt. Tout traitement à visée curative, ou même frénatrice, est désormais sans objet. Reste à raisonnablement atténuer les douleurs. Or, je suis comme j’espérais être : d’une totale sérénité. Je souris quand mes collègues médecins me demandent si la prescription d’un anxiolytique me soulagerait. De rien, en fait, je ne ressens aucune anxiété. Ni espoir – je ne fais toujours pas l’hypothèse du bon Dieu -, ni angoisse. Un certain soulagement plutôt.

Selon moi, limiter la vie au désir de ne pas mourir est absurde. J’ai par exemple souvent écrit que lorsque je ne marcherai plus, je serai mort. Il y aura un petit décalage puisque je ne marche plus, mais il sera bref. Alors, des pensées belles m’assaillent, celles de mes amours, de mes enfants, des miens, de mes amis, des fleurs et des levers de soleil cristallins. Alors, épuisé, je suis bien.

Il a fallu pour cela que je réussisse à « faire mon devoir », à assurer le coup, à dédramatiser ma disparition. À La Ligue, j’ai le sentiment d’avoir fait au mieux. Mon travail de transmission m’a beaucoup occupé, aussi. Je ne pouvais faire plus. Je suis passé de la présidence d’un bureau national de La ligue le mardi matin à la salle d’opération l’après-midi. Presque idéal.

Alors, souriant et apaisé, je vous dis au revoir, amis.

Axel, le loup (21 mai 2021)

La mort n'est pas un effacement, elle est un arrêt. C'est comme les trains, il n'y en aurait pas s'ils ne s'arrêtaient pas.

Dans un dernier entretien vidéo accordé à La grande libraire deux semaines avant sa mort, Axel Kahn affiche encore une attitude solaire et sereine face à la mort.

Regarder la vidéo sur France TV

Concernant sa communication sur ses dernières semaines de vie, "il a apporté à tous les Français une façon de corriger notre rapport à la mort" commente Jean-François Kahn, son frère ainé, dans une interview hommage sur LCI cinq jours après le décès d'Axel Kahn.

Parmi ses nombreux livres, reflétant sa passion de l’éthique et de la philosophie : « Et l’Homme dans tout ça ? » (éditions Nil, 2000), « L’homme ce roseau pensant » sur « les racines de la nature humaine » (même éditeur 2007) et « Et le bien dans tout ça » (Stock, 2021).

Dans son interview sur La Grande Libraire, Axel Kahn cite le livre Au-dessous du volcan de Malcom Lowry comme un roman l'ayant beaucoup inspiré.